La Planification Familiale dans les Pays en Développement

Une Réussite à Parachever

Julie DaVanzo, David M. Adamson

Translated by Parfait Eloundou-Enyegue

ResearchPublished 1999

Des commentaires parus récemment dans plusieurs publications américaines de renom ont décrété la fin de l'explosion démographique, affirmant que la croissance démographique mondiale n'était plus désormais un sujet de préoccupation majeur. Selon l'un de ces commentaires, l'on serait passé "d'une explosion à une implosion démographique".[2] Pour appuyer cette thèse, l'on invoque souvent la baisse du taux de fécondité (le nombre moyen de naissances par femme) observée au niveau mondial. En effet, ce taux est passé d'environ six en 1950 à près de trois en 1998. Même au sein des pays en développement, la fécondité est passée de 6,1 au début des années 1960 à 3,3 en 1998, l'Asie de l'Est et l'Amérique latine enregistrant les baisses les plus remarquables (de 5,9 à 1,8 et de 6 à 3, respectivement).[3] Selon les projections des Nations Unies, la population mondiale pourrait commencer à baisser dans une cinquantaine d'années.

Face à ce déclin, peut-on encore justifier l'aide apportée par les pays donateurs aux programmes de population, notamment en matière de planification familiale? Après tout, au vu de telles tendances, la mission des programmes de planification familiale n'est-elle pas bel et bien terminée?

Une telle conclusion serait prématurée. La population mondiale continue de croître. Bien que le taux de croissance ait baissé depuis les années 1960, la croissance annuelle en termes absolus reste d'environ 80 millions d'âmes, soit l'équivalent de la population entière d'un pays comme l'Allemagne. De surcroît, l'essentiel de cette croissance est concentré dans les pays en développement (Figure 1) dont beaucoup connaissent encore des taux de fécondité élevés. Cette forte natalité grève lourdement le budget des pays en développement et restreint leur capacité à tirer parti de nouvelles opportunités de développement. Elle compromet la santé maternelle et infantile et réduit le niveau de vie en limitant l'accès à l'éducation, à l'emploi, à l'alimentation et aux ressources rares telles que l'eau potable. De plus, les enquêtes dans les pays en développement révèlent que beaucoup de femmes—entre 10 et 40 pourcent—souhaiteraient espacer ou limiter leurs maternités, mais qu'elles n'utilisent pas la contraception. De tels chiffres soulignent bien l'existence de besoins insatisfaits en matière de contraception. Pour satisfaire cette demande et, ce faisant, aider les pays en développement à réduire leur fécondité, les programmes de planification familiale non coercitifs se sont avérés un outil très efficace.

Figure 1. Accroissement de la population par décennie dans les pays industrialisés et les pays en développement

SOURCES: United Nations, Department for Economic and Social Information and Policy Analysis, Population Division, World Population Prospects: The 1996 Revision, New York, 1996, et projections basées sur le modèle contenu dans World Bank, World Development Indicators, Washington, D.C., 1997.

Telles sont les conclusions d'une revue critique des travaux de recherche sur les programmes de planification familiale dans les pays en développement. Cette revue a été entreprise par le projet Population Matters de RAND, un institut américain à but non lucratif dont la mission est d'améliorer la prise de décision politique à travers la recherche scientifique et une analyse indépendante et objective des faits. La présente analyse porte sur la croissance démographique mondiale et particulièrement sur l'utilité actuelle des programmes de planification familiale dans les pays en développement. En nous basant sur les résultats des travaux de recherche, nous abordons trois questions principales:

  • les tendances de fécondité actuelles dans les pays en développement et leurs conséquences
  • l'efficacité des programmes de planification familiale comme moyen de réduire la fécondité
  • le rôle des pays donateurs dans les programmes de planification familiale.

La Croissance Demographique Et L'acces a La Contraception Restent Des Sujets De Preoccupation Majeurs Dans Les Pays en Developpement

Il serait prématuré de proclamer la fin de l'explosion démographique. Le déclin du taux de fécondité mondial n'implique pas que la croissance démographique ne représente plus un problème nulle part dans le monde ou que les programmes de planification familiale sont désormais superflus. Voici pourquoi:

1. Les taux de fécondité restent élevés dans plusieurs pays en développement. Le déclin de la fécondité observé au niveau mondial cache en fait de grandes disparités entre régions. Aujourd'hui, l'essentiel de la croissance démographique mondiale est concentré dans les pays non-industrialisés, qui sont pourtant les moins armés pour absorber une telle croissance sans que leur développement socioéconomique s'en trouve compromis. Ceci est particulièrement le cas pour l'Afrique sub-saharienne qui, contrairement à l'Asie ou à l'Amérique latine, n'a pas amorcé sa transition démographique, même si une baisse de la fécondité est enregistrée dans quelques pays comme le Kenya, le Zimbabwé, le Ghana, la Zambie et le Botswana. Au Nigéria, le pays le plus peuplé de cette région, on estime que chaque femme aura encore en moyenne 6,5 maternités au cours de sa vie reproductive.

Figure 2. Causes de la croissance démographique dans les pays en développement

SOURCE: John Bongaarts, "Population Policy Options in the Developing World," Science, Vol. 263, No. 5148, 1994, pp. 771–776.

2. Le momentum démographique alimentera fortement la croissance démographique au cours des 25 à 50 prochaines années. Une baisse du taux de fécondité ne stoppe pas immédiatement l'accroissement de l'effectif d'une population. Même lorsqu'une population atteint son seuil de reproduction—c'est-à-dire les 2,1 enfants par couple requis pour remplacer la génération des parents—son effectif continue de croître pendant un certain temps. Ce phénomène, dénommé "momentum démographique", est d'autant plus marqué que la population est jeune. Lorsque la proportion de femmes en âge de procréer est élevée, le nombre total de naissances peut rester le même voire augmenter alors que les taux de fécondité baissent. Ce momentum est un important moteur de la croissance démographique, et sera responsable d'environ la moitié de la croissance mondiale au cours des 100 prochaines années (voir Figure 2).

3. Le nombre de personnes en âge de procréer reste très élevé. Le nombre de naissances au sein d'une population dépend de sa structure par âge et notamment de l'effectif de la population en âge de procréer. A l'horizon de l'an 2000, le nombre de femmes âgées de 15 à 24 ans—c'est-à-dire se situant tout au début de leur vie reproductive—atteindra le record historique de 500 millions. La plupart de ces femmes vivent dans les pays en développement et ce nombre ira croissant avant de décliner par la suite. Si ces femmes retardent considérablement leurs premières maternités ou espacent davantage les naissances, la croissance démographique qui en résultera sera nettement moindre. Rien qu'en travaillant avec ce groupe d'âge, il y a aujourd'hui une opportunité d'avoir un impact d'une ampleur jamais égalée dans l'histoire.

Figure 3. Structure de la population par âge et par sexe dans les pays en développement et les pays industrialisés au cours de l'année 1995 (en millions)

SOURCES: World Bank, World Development Indicators, Washington, D.C., 1997; World Bank, World Development Report 1997, Washington, D.C., 1997.

En moyenne, la population des pays en développement est plus jeune et la proportion des personnes en âge de procréer y est plus élevée que dans les pays industrial isés (voir Figure 3). Dans ces pays, même si les couples se limitaient aujourd'hui à une moyenne de deux enfants, le nombre de naissances excéderait toujours les décès—à cause du nombre réduit de vieillards—et la population continuerait de s'accroître pendant plusieurs décennies.

4. Un relâchement des programmes de planification familiale freinerait la baisse de la fécondité. Le déclin actuel de la fécondité mondiale n'est pas le fruit du hasard. Il est en partie lié au succès des programmes de planification familiale et aux efforts réalisés pour améliorer l'éducation des femmes. La plupart des projections démographiques actuelles supposent que ces programmes se poursuivront. Il va donc de soi que si ces programmes étaient dissous, la vitesse du déclin de la fécondité s'en trouverait affectée.

5. Il y a une préférence généralisée pour un nombre réduit d'enfants. Plus de 100 millions de femmes dans les pays en développement préféreraient avoir moins d'enfants ou mieux espacer les naissances, mais elles ne sont pas toujours en mesure de le faire. Ce fossé entre les préférences exprimées et les comportements réels indique l'existence de besoins non satisfaits en matière de contraception. Habituellement, la satisfaction de cette demande se heurte à deux types d'obstacles: d'un côté, il y a l'accès limité à la contraception, faute d'information ou de moyens. De l'autre côté, il y a la crainte des effets secondaires liés à l'utilisation de certaines méthodes. En disséminant l'information, en améliorant l'accès à une large gamme de méthodes de contraception et en favorisant une meilleure utilisation des méthodes, les programmes de planification familiale ont contribué à éliminer ces barrières. Ces programmes réduisent aussi le nombre de grossesses non désirées, lesquelles aboutissent souvent à un avortement.

6. Même là où la fécondité est faible, l'accès à la contraception réduirait le recours à l'avortement. Le cas de la Russie est un bon exemple. Dans ce pays en effet, le taux de fécondité actuel n'est que de 1,2 enfant par femme environ, malgré l'accès limité à la contraception. Cette faible fécondité est en grande partie due à la pratique de l'avortement, les taux d'avortement dans ce pays étant parmi les plus élevés au monde. Actuellement, une femme russe subit en moyenne 2,5 avortements au cours de sa vie, même si ce chiffre est en deçà de la moyenne de 4,5 avortements par femme observée il y a vingt ans.[4]

Un meilleur accès à la contraception réduirait le recours à l'avortement, une pratique à la fois coûteuse et dangereuse pour la santé des mères. Des données collectées sur une trentaine d'années en Hongrie montrent que le recours à l'avortement diminue à mesure que l'utilisation de la contraception se généralise. Des résultats similaires sont obtenus en Corée du Sud, en Russie et au Kazakhstan où, dans les années 1990, les taux d'avortement ont baissé à mesure que les services de contraception devenaient plus disponibles. Une récente étude comparative de deux zones au Bangladesh montre que le taux d'avortement était le plus bas dans la zone dotée du meilleur programme de planification familiale.[5]

Les Avantages Des Programmes De Planification Familiale Se Situent a Plusieurs Niveaux

Les programmes de planification familiale, en offrant une variété de méthodes contraceptives, ont substantiellement accru l'utilisation de la contraception dans le monde. A son tour, l'utilisation de la contraception a considérablement réduit la fécondité depuis le milieu des années 1960. S'il est vrai que la croissance économique a aussi joué un rôle, on estime que 43 pourcent de la baisse de la fécondité mondiale entre les années 1965 et 1990 serait due à l'influence des programmes de planification familiale. De plus, il y a une synergie entre les contributions de la croissance économique et celles des programmes de planification familiale: la croissance économique réduit la fécondité d'autant plus que les services de planification familiale sont mieux développés.

Il est vrai que les programmes de planification familiale n'ont pas connu partout la même réussite. Le degré de réussite dépend du soutien politique aux niveaux national et local, de la qualité de la conception et de l'exécution des programmes, de la disponibilité de services de qualité et d'une gamme étendue de méthodes, de la flexibilité des programmes et de leur adaptation aux conditions locales et d'un financement adéquat. Néanmoins, des succès remarquables ont été enregistrés dans tous les continents et sous toutes les cultures. De toutes ces expériences, l'on a pu tirer de nombreuses leçons—grâce aux travaux de recherche financés par les pays donateurs et des organisations non-gouvernementales—sur la conception et la conduite des programmes de planification familiale, même dans des contextes socioculturels a priori défavorables. A l'heure où ces leçons peuvent enfin être mises à profit, il serait regrettable de relâcher l'effort consenti en faveur des programmes de planification familiale.

Pour mieux juger de l'utilité de la planification familiale, il convient de rappeler les avantages attendus d'un déclin de la fécondité. La littérature scientifique actuelle suggère que la baisse de la fécondité mondiale devrait avoir plusieurs effets positifs, à la fois pour les pays en développement et les donateurs. Les paragraphes suivants énumèrent quelques unes des ces retombées.

Avantages sur le plan de la santé et du niveau de vie

Réduction de la mortalité maternelle. Les programmes de planification familiale peuvent réduire le nombre de décès liés aux accouchements. Pour chaque accouchement, le risque de mortalité maternelle est près de vingt fois plus important dans les pays en développement que dans les pays développés. Ces risques sont d'autant plus importants que les accouchements sont nombreux. En Afrique subsaharienne où l'indice de fécondité est d'environ six enfants par femme, la probabilité de décès des suites d'un accouchement est d'environ 1 sur 18 pour une femme au cours de toute sa vie. Réduire la fécondité de moitié aurait pour effet de réduire la mortalité maternelle d'à peu près autant.

L'utilisation effective de la contraception réduit aussi le nombre de grossesses à risque, notamment en permettant aux femmes de différer les premières naissances jusqu'à l'âge de vingt ans et au delà, d'espacer les naissances d'au moins deux ans et de réduire le nombre de grossesses non désirées susceptibles de se terminer par un avortement. Des études menées au Canada et en Scandinavie ont montré qu'en intégrant éducation sexuelle et accès à la contraception, l'on pouvait réduire le nombre de grossesses non désirées et d'avortements de façon substantielle parmi les jeunes filles. Dans les régions où le recours à l'avortement comporte des risques importants, les programmes de planification familiale sont particulièrement utiles pour réduire les décès liés aux grossesses non désirées.[6]

Amélioration de la santé des enfants. Une baisse de la natalité peut aussi améliorer la santé des enfants. Au niveau des familles, la santé de l'enfant est compromise lorsque les naissances sont très rapprochées (moins de deux ans d'écart), lorsque la fratrie est élevée, ou lorsque la mère est très jeune ou très âgée. Des études montrent que le risque de décès avant l'âge d'un an diminue de moitié lorsque l'écart entre deux naissances s'élève à plus de deux ans, par rapport au risque observé pour les naissances espacées de moins de deux ans. Par ailleurs, le poids des enfants à la naissance (un indicateur de vitalité) est plus faible lorsque les naissances sont rapprochées. Enfin, des grossesses rapprochées compromettent l'allaitement maternel, qui joue un rôle important dans l'alimentation de l'enfant et la constitution de sa résistance aux maladies infectieuses. En somme, les programmes de planification familiale, en aidant les femmes à mieux espacer les naissances et à éviter des grossesses qui surviendraient à un âge très jeune ou très avancé, peuvent améliorer la survie et la santé des enfants.[7]

Amélioration du statut et des choix de vie pour les femmes. Permettre aux femmes de mieux contrôler leur fécondité leur donne également la possibilité d'améliorer leur statut et leurs perspectives d'avenir, surtout lorsque les opportunités d'éducation et d'emploi sont en expansion. Dans les pays à forte natalité, les premières grossesses surviennent fréquemment à l'adolescence. Une telle précocité freine l'éducation des femmes. Dans certains de ces pays, les grossesses—qui surviennent parfois au niveau de l'enseignement primaire—sont citées comme étant la cause de près d'un quart des abandons scolaires chez les jeunes filles. Au cours de leur vie, les femmes dans ces pays peuvent passer près de six années entières en état de grossesse et vingt-trois années à s'occuper des enfants de moins de six ans.

Réduction de la pression scolaire. Au niveau macroéconomique, plus la proportion des enfants d'âge scolaire est élevée, plus grande est la pression sur les écoles et les ressources publiques consacrées à l'éducation. Au niveau des familles, un taux de dépendance réduit—c'est-à-dire un faible ratio d'enfants par adulte—permet aux familles d'investir davantage dans l'éducation de chaque enfant et d'améliorer la qualité de la main-d'oeuvre à venir. Entre les années 1970 et 1990, la fécondité en Corée du Sud a chuté de plus de quatre enfants par couple à moins de deux. Parallèlement, le taux d'inscription scolaire augmentait de 38 à 84 pourcent et les dépen ses annuelles pour l'éducation d'un enfant triplaient.

Réduction de la pression sur l'environnement et les services publics. Une baisse de la fécondité peut aussi réduire la pression sur l'environnement. Elle accroît la marge de manoeuvre des gouvernements en augmentant le temps de réponse pour résoudre les problèmes d'emploi et d'habitat, ainsi que la demande pour tous les autres services publics comme la santé et le ravitaillement en eau potable.

Avantages économiques

Au niveau macroéconomique, une baisse de la fécondité crée des conditions plus favorables au développement socioéconomique dans plusieurs pays. Le "Miracle asiatique" en constitue une bonne illustration. Entre 1960 et 1990, les cinq pays ayant connu la plus forte croissance économique au monde se trouvaient tous en Asie de l'Est: la Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong, Taïwan et le Japon. Deux autres pays d'Asie du Sud-Est, l'Indonésie et la Thailande, suivaient de près ce peloton de tête. Au cours de ces trente ans, la fécondité dans cette région est passée d'une moyenne de six à deux enfants par femme ou moins. Une analyse de l'expérience de ces pays semble indiquer que cette baisse de fécondité a non seulement allégé le taux de dépendance (grâce à la baisse du nombre d'enfants par couple) mais aussi réduit la dépendance vis-à-vis des capitaux extérieurs en stimulant l'épargne intérieure.

La réduction du ratio d'enfants par adulte constitue l'un des mécanismes par lesquels la baisse de la fécondité peut favoriser le développement socioéconomique. Cette réduction génère ce qu'il est désormais convenu d'appeler un "bonus démographique". Avec moins d'enfants, les familles ont plus d'argent disponible pour l'épargne ou l'investissement. De surcroît, une faible proportion d'enfants signifie que la population active représente une plus grande proportion de la population entière. La croissance économique s'en trouve favorisée, si les emplois sont disponibles.

Toutefois, il faudrait nuancer ce lien entre baisse de fécondité et développement socioéconomique. Le bonus démographique n'est pas automatique; il dépend plutôt de l'adéquation des politiques dans d'autres domaines. De plus, l'épargne susceptible d'être mobilisée à travers ce bonus doit être investie judicieusement au risque d'engendrer des effets pervers. Par exemple, les liquidités générées par l'épargne en Asie de l'Est ont peut être favorisé certains excès financiers à l'origine de la récente crise économique dans cette région.

Avantages pour les pays donateurs

Les pays en développement ne sont pas les seuls bénéficiaires des programmes de planification familiale. Les pays donateurs, qui contribuent environ au quart des dépenses totales des programmes internationaux de planification familiale, gagnent au moins sur trois fronts.

La puissance économique des partenaires économiques potentiels. Bien que ceci ne soit pas un de leurs objectifs directs, les programmes de planification familiale peuvent avoir un effet considérable et durable sur le développement du commerce international. Si les pays en développement réduisent leur fécondité et progressent sur le plan économique, les pays donateurs bénéficieront de l'expansion des marchés qui en résulterait. Par exemple, à peu près le tiers de la croissance économique américaine au cours de la dernière décennie a été généré par les exportations. La stabilité et la force des économies outremer ont été cruciales à cet égard. Deux pays asiatiques qui ont particulièrement bénéficié de l'appui des Etats-Unis en matière de planification familiale—la Corée du Sud et Taïwan—sont devenus d'importants partenaires commerciaux des Etats-Unis.

La stabilité politique et la coopération. La prospérité économique dans les pays en développement favorise la stabilité politique et facilite la coopération dans la résolution des problèmes internationaux, allant de la sécurité et de la criminalité internationales à l'effet de serre ou à l'immigration illégale.[8]

La contribution humanitaire. Puisque les pays assistés sont parmi les plus pauvres au monde, un soutien aux programmes de planification familiale contribue à réduire la pauvreté mondiale et à améliorer la qualité de la vie au sein des populations les plus pauvres. Il faut souligner qu'au cours des trois dernières conférences mondiales sur la population tenues depuis 1974, les pays en développement eux-mêmes ont affirmé leur soutien aux programmes de planification familiale. De plus, comme indiqué plus haut, de nombreuses femmes souhaiteraient limiter ou espacer davantage leurs grossesses. Les programmes actuels répondent donc à une demande activement recherchée par ces pays eux-mêmes et par nombre de leurs citoyens.

Les Pays Donateurs Ont Encore Un Role Capital a Jouer

Les pays donateurs ont joué un rôle capital dans la réussite des programmes de planification familiale. Au delà du support financier—à peu près un quart des dépenses globales—ces pays ont apporté une expertise scientifique vitale dans tous les domaines essentiels: médecine, santé publique, communication, gestion, démographie et services sociaux.

Les pays-membres de l'Organisation pour la Coopération et le Développement (OCDE)—notamment les Etats-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, la Suède, le Canada, l'Australie et la Finlande sont actuellement les principaux donateurs. Historiquement, les Etats-Unis ont été le plus grand contributeur mondial à la fois sur le plan financier et celui de l'assistance technique. Toutefois, quelques indices suggèrent que les Etats-Unis ont commencé à abandonner ce rôle de leader. En 1996, le Congrès américain a réduit de 35 pourcent le financement de l'aide bilatérale consacrée aux programmes de planification familiale, tout en imposant de nouvelles restrictions administratives qui ont aggravé l'effet des coupes budgétaires. Bien qu'une partie des financements ait été réinstaurée au cours de l'année suivante, l'enveloppe de 385 millions de dollars allouée à l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) en 1997 était bien en-dessous de son maximum de 542 millions de dollars, atteint en 1995.[9] De surcroît, les contributions des Etats-Unis au Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) et au autres agences multilatérales se sont réduites au cours de ces dernières années.

L'impact du désinvestissement américain reste à établir. Il n'est pas certain que d'autres pays donateurs veuillent ou puissent combler le déficit. Une baisse du financement global risque de compromettre les progrès réalisés au cours des dernières décennies. Selon une estimation, une réduction du financement global des programmes de planning familial pourrait avoir des implications dramatiques, notamment:

  • l'accroissement du nombre de décès maternels liés aux grossesses,
  • l'accroissement du nombre de décès d'enfants liés aux grossesses à haut risque,
  • l'accroissement du nombre de grossesses non désirées, lié au fait que plusieurs millions de couples dans les pays en développement n'auraient pas accès à la contraception, et
  • un nombre important d'avortements à la suite de grossesses non désirées.[10]

Les Defis a Venir

Les programmes de planification familiale ont été mis en oeuvre et ont réussi dans des contextes politiques, économiques et culturels très variés. Ces succès ont substantiellement amélioré les conditions de vie dans ces pays à des coûts étonnamment bas. Par exemple, un Américain dépense en moyenne 1,44 dollar par an pour le soutien apporté par l'USAID aux programmes de planification familiale.[11] Toutefois, la mission de ces programmes est inachevée. A l'heure actuelle, beaucoup de femmes ne peuvent toujours pas satisfaire leurs besoins en matière de contraception et le nombre de celles susceptibles de se trouver dans cette situation risque d'augmenter. A mesure que la fécondité baisse, elle se concentre de plus en plus chez les jeunes adultes. Les programmes de planification familiale devront par conséquent s'adapter à l'évolution de leur clientèle et s'intéresser davantage aux jeunes. Parmi les adolescents et les jeunes adultes, beaucoup de grossesses sont non désirées et seraient évitées si la contraception était disponible. La demande pour la contraception est plus forte parmi les jeunes adultes que chez les femmes plus âgées, ce qui implique que la demande s'accroîtra à mesure que les jeunes cohortes remplacent progressivement l'ancienne génération.

Les jeunes cherchent surtout à retarder la première naissance ou mieux espacer les naissances. Etant donné qu'une augmentation de l'âge à la première naissance frei nerait considérablement le momentum démographique, les objectifs et approches des programmes devraint être réaménagés en conséquence. L'amélioration des services et de la qualité des soins ainsi qu'une attention accrue aux maladies sexuellement transmissibles (en particulier le VIH/SIDA) constituent d'autres défis à relever.

La recherche sur le développement et sur la distribution des contraceptifs reste aussi un secteur essentiel. Des progrès dans ces domaines amélioreraient l'utilisation de la contraception et réduiraient les grossesses non désirées ainsi que les avortements qui résultent parfois d'une contraception manquée.

L'autofinancement des programmes constitue un autre défi. A mesure que les contraintes augmentent, il faudra diversifier les sources de financement, par exemple en facturant les consommateurs capables de payer pour ces services.

Il serait extrêmement difficile de relever tous ces défis sans un engagement profond des pays donateurs. Le moment est mal venu de réduire l'aide aux programmes de planification familiale.

  • [1] Ce papier s'inspire d'un rapport plus long rédigé par Rodolfo A. Bulatao, The Value of Family Planning Programs in Developing Countries, Santa Monica, Calif.: RAND, MR-978-WHFH/RF/UNFPA, 1998. Sauf indication contraire, les données statistiques présentées ici sont tirées de ce rapport.
  • [2] La phrase en anglais "The population boom is a bust" est tirée de Jonathan R. Laing, "Baby Bust Ahead" (Implosion démographique en vue), Barron's, 8 décembre 1997. Pour d'autres exemples, voir Ben Wattenberg, "The Population Explosion is Over" (La fin de l'explosion démographique), The New York Times Magazine, 23 novembre 1997, p. 60; Nicholas Eberstadt, "The Population Implosion" (L'implosion démographique), The Wall Street Journal, 16 octobre 1997, sec. A, p. 22.
  • [3] Ces données sont tirées du 1998 World Population Data Sheet, Population Reference Bureau, Washington, D.C., 1998.
  • [4] Sergei V. Zakharov et Elena I. Ivanova, "Fertility Decline and Recent Changes in Russia: On the Threshold of the Second Demographic Transition", in Julie DaVanzo, ed., Russia's Demographic "Crisis", Santa Monica, Calif.: RAND, CF-124-CRES, 1996.
  • [5] K. Ahmed, M. Rahman et J. van Ginneken, "Induced Abortion in Matlab, Bangladesh", International Family Planning Perspectives, 1998.
  • [6] National Research Council, Contraception and Reproduction: Health Consequences for Women and Children in the Developing World, Washington, D.C.: National Academy Press, 1989, Chapitre 3.
  • [7] Family Planning Saves Lives, Troisième édition, Washington, D.C.: Population Reference Bureau, 1997.
  • [8] Un des projets actuels de Population Matters consiste à résumer la recherche sur les implications de la croissance démographique en matière de sécurité.
  • [9] USAID's International Population and Family Planning Assistance: Answers to 10 Frequently Asked Questions, USAID Site Internet, http://www.info.usaid.gov/pop_health/.
  • [10] Families in Focus: New Perspectives on Mothers, Fathers, and Children, New York: The Population Council, 1995.
  • [11] USAID's International Population and Family Planning Assistance: Answers to 10 Frequently Asked Questions, USAID Site Internet, http://www.info.usaid.gov/pop_health/.

Document Details

Citation

RAND Style Manual
DaVanzo, Julie and David M. Adamson, La Planification Familiale dans les Pays en Développement: Une Réussite à Parachever, RAND Corporation, IP-176/1, 1999. As of September 19, 2024: https://www.rand.org/pubs/issue_papers/IP176z1.html
Chicago Manual of Style
DaVanzo, Julie and David M. Adamson, La Planification Familiale dans les Pays en Développement: Une Réussite à Parachever. Santa Monica, CA: RAND Corporation, 1999. https://www.rand.org/pubs/issue_papers/IP176z1.html.
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La rédaction de ce papier a été supportée par les fondations William and Flora Hewlett et Rockefeller, ainsi que par le Fonds des Nations Unies pour la Population.

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