Research Brief
Demographics and the Changing National Security Environment
Jan 1, 2000
Demographics and the Changing National Security Environment (French Version)
Research SummaryPublished 2000
Les facteurs démographiques sont rarement cause directe des conflits entre nations. Mais ils peuvent tout à fait exacerber les tensions existantes et aggraver le risque d'une montée des conflits à la violence. Les tendances lourdes en matière de fertilité, d'urbanisation, de migrations, les changements qui interviennent dans la composition ethnique et la pyramide des âges, sont susceptibles d'influencer la nature des conflits intra- et inter-nationaux et et les probabilité de leur éclosion.
L'ouvrage de Brian Nichiporuk The Security Dynamics of Demographic Factors [L'impact de la démographie sur la sécurité] examine cette problématique à travers trois questions principales: quelles tendances démographiques sont sources de problèmes pour la sécurité internationale? Comment ces tendances agissent-elles sur la sécurité internationale? Quelle réponse mérite d'être donnée à ces questions? A l'évidence, l'environnement international de sécurité sera déterminé par de complexes interactions entre les facteurs géographiques, les progrès technologiques, les développements économiques, les évolutions écologiques et les facteurs démographiques. La recherche présentée ici ne prétend pas élucider tout ce complexe d'interactions, mais il prend note de l'impact des facteurs démographiques sur les questions de sécurité.
La population mondiale continue d'augmenter, quoique le taux de croissance faiblisse. Selon des estimations médianes récentes, la population mondiale pourrait passer de 6 milliards actuellement à 7,3 en l'an 2025 et à 9,4 en 2050. La quasi-totalité de l'accroissement aura lieu dans le monde en développement.
Le taux global cache des disparités en matière de fertilité et d'urbanisation. Les taux de fertilité permettent de classer les pays en trois grandes catégories: pays en développement à taux de fertilité toujours élevé, pays en développement à taux de fertilité en baisse, mais dont la population est toujours en augmentation, et pays développés dont les taux de fertilité sont inférieurs ou égaux au niveau de remplacement. L'urbanisation se poursuit dans les trois catégories de pays.
Dans le secteur en développement, la croissance démographique résulte de deux types distincts de fertilité. Des pays comme le Nigéria, avec 6,5 naissances par femme, ou le Congo (Brazza), avec 6,6 naissances, continuent de connaître des taux de fertilité élevés. Ces pays sont à deux générations d'une stabilisation démographique.
D'autres pays, comme le Brésil, avec 2,5 naissances par femme, le Mexique, avec 3,1, l'Egypte, avec 3,6, la Chine, 1,8, l'Inde, 3,4 et l'Indonésie, 2,7, ont fait baisser les taux de fertilité, mais l'inertie démographique les place encore à une génération de la stabilisation démographique. La pyramide des âges est affectée par les taux de fertilité naguère encore très élevés: les tranches d'âge en âge de procréer sont nombreuses. Mêmes si ces tranches d'âge se limitent à un taux de remplacement net, la croissance démographique de ces pays continuera un certain temps par effet mécanique [Cf. Fig. 1: structure démographique par tranches d'âge dans les pays développés et en développement].
Les pays développés d'Europe et d'Extrême-Orient font face à un ordre de problème différent: faibles taux de fertilité, vieillissement de la population, stagnation ou déclin démographique. La plupart des pays membres de l'OTAN en Europe ont une croissance démographique nulle ou négative. Les taux de fertilité de l'Italie et de l'Espagne sont parmi les plus bas au monde, 1,2 naissance par femme sur l'ensemble de sa période de procréation. La démographie de l'Allemagne est en baisse de 0,1% par an. La croissance est très faible en France et en Grande-Bretagne. La tendance lourde de la population russe est au déclin. La croissance est faible au Japon et à Singapour. Les taux de croissance américains sont plutôt faibles, quoique compensés par une immigration abondante et un taux de fertilité plus élevé [Fig. 2].
Bien que l'urbanisation se poursuive dans le monde entier, c'est sans doute dans les pays en développement que ses effets sur les questions de sécurité sont les plus marquants. La forte croissance démographique des campagnes, l'épuisement des sols et la déforestation qui en résultent, la baisse des prix des denrées agricoles, et l'impression que la ville leur offre un avenir meilleur, convainquentdes foules de ruraux de migrer vers les zones urbaines. La moitié de la population mondiale vit aujourd'hui en ville, alors qu'en 1950 le taux n'était que de 17 pour cent. En l'an 2015, le monde en développement comptera 23 "méga-cités" peuplées d'au moins 10 millions d'âmes.
Les effets des tendances démographiques sur la sécurité peuvent être ramenés à trois classes. Elles peuvent mener à des changements dans la nature des conflits. Elles peuvent affecter la nature des fondements de la puissance nationale. Elles peuvent influencer les causes des conflits à venir.
Changements dans la nature des conflits. Un mouvement d'urbanisation de plus en plus prononcé tendra à changer la nature des conflits. Il est probable qu'à l'avenir, les conflits à haute intensité aient lieu en milieu urbain. Voilà qui pose des problèmes très ardus aux pays occidentaux, Etats-Unis et Européens, dont les forces, les équipements et les doctrines sont conçus à d'autres fins. Les caractéristiques propres au combat urbain mobilité restreinte, visibilité réduite, présence des civils - risquent fort d'annuler la supériorité technologique conférée par exemple par les armes de précision à longue portée.
Il est probable qu'à l'avenir, les espaces urbains soient le théâtre de conflits à basse intensité, à mesure où ils concentrent de plus en plus de pods politique, social et économique. Les taudis et les bidonvilles de bien des villes du tiers monde seront des viviers de recrutement pour les révolutionnaires et les extrémistes s'attaquant aux régimes en place.
Les progrès récents en matière de transports et de communications ont rendu les migrations intercontinentales bien plus faciles. La taille, la visibilité et le rôle joué par les diasporas ethnique en ont été fortement accentués, en Europe occidentale en particulier. Les groupements activistes au sein de ces communautés pourraient devenir les instruments de leurs pays d'origine, et, dans les cas de figures extrêmes, des diasporas ethniques rivales pourraient transformer leurs pays d'accueil en lieu d'affrontement au profit de leurs pays d'origine.
Il est de plus en plus probable que la pression exercée par une population croissante fasse à l'avenir de la question de l'eau une source de conflit, et le contrôle de l'eau douce un puissant instrument de coercition. C'est notamment le cas dans les zones arides; nombre de nations en développement y connaissent un essor démographique considérable. En cas de conflit, ces pays sont soumis à une menace sur leur approvisionnement en eau, surtout si un pays étranger en contrôle une portion importante.
Le contrôle exercé par la Turquie sur les flots de l'Euphrate offre un exemple de coercition potentielle. Le projet de la Grande Anatolie, qui y voit la construction d'un grand nombre de barrages hydroélectriques, diminuera le débit de l'Euphrate de 40 vers cent vers la Syrie, et de 80 pour cent vers l'Irak. Le projet, une fois mené à bien, permettra à la Turquie de priver à volonté ces deux pays de tout accès aux eaux du fleuve. Cette épée de Damoclès pèsera lourd dans tout conflit futur avec ces pays, et sur la question kurde.
Changement des fondements de la puissance nationale. Le différentiel des taux de croissance démographique va conduire autant les pays à croissance haute que les pays à croissance basse à fonder leur puissance nationale sur des bases différentes.
Certains pays à croissance démographique basse fondent de plus en plus leur défense sur l'intensité capitalistique et une formation supérieure des troupes, et de moins en moins sur la masse des soldats. Nombre de pays européens, par exemple, abandonnent la conscription faite pour la défense territoriale, pour s'orienter vers des forces professionnalisées moins nombreuses conçues pour des opérations expéditionnaires aux marches de l'Europe. Moins de dépenses de personnel, plus de fonds pour les nouveaux systèmes de défense et un investissement individuel qui va croissant afin que les militaires soient à même d'utiliser ces systèmes (coûts de formation et coût consenti pour que les militaires restent dans la carrière). L'accroissement du coût global de la défense incite ces pays à rechercher les alliances afin de se partager les coûts tout en modernisant leurs forces. Parmi les pays à faible croissance, ceux qui ne sont pas en mesure d'adopter une démarche militaire à haute intensité capitalistique, la Russie par exemple, devront jouer bien plus sur leur arsenal d'armes de destruction massive.
Par contre, les pays à forte croissance démographique continuent à fonder leur puissance militaire sur l'abondance de la "main-d'uvre". Les pays pluriethniques voient dans la conscription une manière de renforcer la cohésion nationale et sociale. Certains désirent avoir des armées nombreuses afin de faire pièce aux insurrections et aux rebellions. Afin de profiter des systèmes d'armement intégrés modernes, nombre de pays en développement opèrent une césure nette entre unités d'élite et forces terrestres de basse qualité. C'est notamment le cas de l'Irak, où la différence est nette entre Garde Républicaine et unités régulières de l'Armée.
Bien d'autres paramètres la géographie, la richesse, les alliances, les menaces, les stratégies qui veulent y parer déterminent les différences entre les forces armées des différents pays. Toutes chose égales par ailleurs, cependant, les différentiels de croissance démographique peuvent mener à de vastes différences de structure et de volume des forces armées.
Changements des causes des conflits. Les changements démographiques peuvent contribuer à la genèse des conflits. De vastes migrations de populations peuvent créer de graves instabilités à la fois dans les pays d'origine et les pays d'arrivée. Il se peut que les migrants utilisent le pays d'accueil comme point d'appui contre leur pays d'origine, pendant que les infrastructures du pays d'accueil ploient sous le faix d'une immigration très élevée, ou des changements dans ses équilibres ethniques.
Dans certains pays, en particulier ceux qui recèlent de nombreuses populations de jeunes chômeurs ou sous-employés, la forte croissance démographique peut renforcer les mouvements révolutionnaires. En retour, la réussite de révolutions contribue souvent à la naissance de conflits armés, soit que les révolutions essaient de s'exporter, ou que ses voisins le craignent.
Finalement, les facteurs démographiques peuvent causer des conflits dans des pays pluriethniques, en particulier là où les ethnies sont intégrées (plutôt que séparées en zones nettement délimitées), surtout si l'un des groupes ou plusieurs ont un nationalisme historique, que les taux de croissance démographique divergent significativement, et que l'Etat y est plutôt faible. A partir du début des années 1990, l"Etat fédéral yougoslave était en voie d'affaiblissement: la Bosnie offre un exemple frappant de conflit ethnique où le facteur démographique joue un rôle important. De 1961 à 1991, la part des Serbes dans la population bosniaque passa de 43 à 31 pour cent, alors que les Bosno-musulmans voyaient leur part augmenter de 26 à 44 pour cent. Ce changement d'équilibre accompagna le fléchissement de la domination serbe et la vigueur des Bosno-Musulmans.
Comment réagir aux questions démographiques qui affectent les intérêts stratégiques des pays occidentaux? D'après Brian Nichiporuk, il convient de conjuguer l'analyse et la recherche, l'aide au développement, et des capacités militaires adaptées aux conséquences des instabilités liées aux facteurs démographiques.
Les organismes d'analyse des pays occidentaux amélioreraient considérablement l'efficacité de leurs travaux en s'attachant sérieusement aux facteurs et aux indicateurs démographiques. Il importe hautement de comprendre la manière dont les pressions démographiques sont susceptibles d'entraver ou de restreindre l'action internationale, aggraver les tensions entre puissances régionales, faire éclater des conflits ethniques.
L'aide internationale pourrait être mieux ciblée, et correspondre aux objectifs de politique étrangère désirés. La gestion des effets induits par une rapide croissance démographique, la conservation des ressources, les réformes politiques, en font partie. Dans certains cas, l'aide peut consister à contribuer à la baisse des taux de fertilité. Des recherches récemment menées par la RAND montrent l'intérêt que portent un certain nombre de pays en développement en la matière, et la réceptivité qu'ils manifestent pour l'aide qui peut leur être apportée à cet égard.[1]
Finalement, l'urbanisation croissante de la population mondiale a de profondes implications militaires, en matière de tactique, d'instruction et de formation, et de technologie pour la guerre urbaine. Dans le court terme, l'instruction et la formation apportent le plus. A long terme, de nouvelles technologies permettant aux forces armées d'opérer efficacement en milieu urbain sont essentielles drone de surveillance, uniformes protecteurs avancés, armes non-létales, etc.
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