Research Brief
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Jan 1, 2000
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Entre 1960 et 1999, la population mondiale est passée de 3 milliards à 6 milliards d'habitants. A beaucoup d'égards, il s'agit d'une bonne nouvelle pour l'humanité. En effet, cette évolution s'est accompagnée d'une forte baisse de la mortalité infantile et d'une augmentation de l'espérance de vie. De surcroît, dans toute l'histoire de la civilisation, globalement, jamais la population n'a été en aussi bonne santé et aussi bien nourrie. Toutefois, durant la même période, les modifications de l'environnement de la planète ont commencé à s'accélérer : la pollution a augmenté, l'épuisement des ressources reste un sujet d'actualité et la menace de l'élévation du niveau des océans se fait de plus en plus ressentir. Cette simultanéité entre croissance démographique et déclin de l'environnement au cours du siècle passé implique-t-elle que l'augmentation de la population engendre une dégradation de l'environnement ?
Dans "The Environmental Implications of Population Dynamics", Lori Hunter fait la synthèse de nos connaissances actuelles sur l'influence des dynamiques démographiques sur l'environnement. Plus particulièrement, son analyse s'attache aux faits suivants :
Mme Hunter conclut que la dynamique démographique a un impact important sur l'environnement, mais que la taille de la population en elle-même ne représente qu'une variable, certes importante, dans cette relation complexe : d'autres dynamiques démographiques, comme les changements de flux et de densité de la population, peuvent également avoir des répercussions très sérieuses sur l'environnement.
Selon des études récentes menées aux Etats Unis, la population mondiale augmente d'environ 80 millions d'âmes chaque année, soit l'équivalent de la population entière d'un pays comme l'Allemagne. Bien que les taux de fécondité se soient effondrés dans la plupart des régions du monde, la croissance démographique continue à être alimentée par la fécondité débridée de certaines régions comme l'Asie et l'Afrique. Dans de nombreux pays du Moyen Orient et d'Afrique, le taux de fécondité actuel est légèrement supérieur à 6 enfants par femme (6,4 en Arabie Saoudite, 6,7 au Yémen, et même 7,5 au Niger). Même dans les zones où les taux de fécondité ont atteint la limite supérieure du seuil de reproduction (2,1 enfants par couple), la population continue à augmenter en raison du "momentum démographique", phénomène qui intervient lorsque les jeunes composent une grande partie de la population.
La taille de la population
Il n'y a pas de relation simple entre la taille de la population et les modifications de l'environnement. Cependant, comme la population mondiale continue à s'accroître, la disponibilité limitée des ressources planétaires telles que les terres arables, l'eau potable, les forêts et les richesses de la mer, est devenue l'un des principaux sujets de préoccupation actuels. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, la diminution des terres cultivées a entraîné une remise en question des capacités de la production alimentaire mondiale. En estimant qu'au cours du 21ème siècle le niveau de production reste constant, les besoins par habitant en terres cultivables destinées à la production alimentaire vont atteindre le seuil des terres arables disponibles. Parallèlement, le maintien de la croissance démographique intervient dans le contexte d'une demande de plus en plus pressante en eau : la consommation mondiale d'eau a été multipliée par six entre 1990 et 1995, un rythme d'accélération qui est deux fois supérieur à celui de la croissance démographique.
La répartition de la population
La façon dont la population est répartie sur la planète a également une influence sur l'environnement. Si l'on associe la constance du niveau de fécondité de nombreuses régions en développement aux taux de fécondité peu élevés des régions industrialisées, l'on constate que 80% de la population mondiale vit aujourd'hui dans les pays les moins développés. De surcroît, les migrations de population ont atteint leur niveau le plus haut, le flux net d'émigrants au niveau international étant environ de 2 à 4 millions par an en 1996. Les données recueillies cette même année montre que 125 millions de gens vivent en dehors de leur pays de naissance. Cette migration suit essentiellement un schéma rural-urbain, de ce fait, la population planétaire est également de plus en plus fortement urbanisée : en 1960, un tiers seulement de la population mondiale vivait dans les villes ; en 1999, la population urbaine représentait quasiment la moitié (47%) de la population mondiale. Et cette tendance devrait se maintenir à un rythme similaire au cours du 21ème siècle.
La répartition de la population sur la planète a trois effets majeurs sur l'environnement. Tout d'abord, comme les pays les moins développés font face à une forte croissance de leur population, les pressions s'intensifient sur les ressources, déjà limitées dans ces régions. Ensuite, les mouvements migratoires exercent des pressions relatives sur les environnements locaux, cette tendance se relâchant dans certaines zones et s'accroissant dans d'autres. Enfin, l'urbanisation, et particulièrement dans les pays les moins développés, dépasse fréquemment le rythme de développement des infrastructures et des réglementations sur l'environnement, ce qui entraîne dans la plupart des cas un degré de pollution élevé.
La composition de la population
La composition de la population peut également avoir des effets sur l'environnement. Ceci est dû au fait que différents sous-groupes de population peuvent avoir des comportements différents. Par exemple, la population mondiale est à la fois constituée du plus grand nombre de jeunes (24 ans et moins) et du plus grand nombre de gens âgés (60 ans et plus) de toute son histoire. Or les tendances migratoires varient en fonction de l'âge : les jeunes gens émigrent plus que leur aînés, parce qu'ils doivent quitter le foyer parental à la recherche de nouvelles opportunités. Etant donné que la nouvelle génération est relativement nombreuse, nous devrions donc prévoir l'augmentation des niveaux de migration et d'urbanisation, pour pouvoir ainsi anticiper les conséquences graves que cela peut représenter pour l'environnement.
D'autres aspects de la composition de la population sont également importants. Ainsi le niveau de revenu est particulièrement significatif des conditions environnementales. Dans les différents pays, le rapport entre le développement économique et la pression environnementale forme une courbe en forme de U renversé : les nations dont l'économie est moyennement développée sont plus enclin à exercer des pressions fortes sur le milieu naturel, essentiellement par une consommation excessive des ressources et par la production de déchets. En revanche, du fait de leur activité industrielle très limitée, les nations les moins développées exerceront probablement moins de pressions sur l'environnement. Puis à des degrés supérieurs de développement économique, les pressions sur l'environnement peuvent revenir en raison de l'amélioration des technologies et des moyens de production de l'énergie.
Toutefois, le rapport entre le niveau de revenu et la pression sur l'environnement est différent en fonction des pays et des foyers. Ces pressions exercées sur l'environnement peuvent être tout aussi importantes dans les pays où le niveau de revenu est bas que dans ceux où le niveau de revenu est élevé. La pauvreté peut entraîner des modes d'utilisation des ressources insoutenables pour pourvoir aux besoins de subsistance sur une durée limitée. De plus, dans les pays où le revenu par habitant est élevé, la consommation d'énergie élevée va de pair avec une production de déchets importante.
Actuellement, la technologie, les actions politiques et la culture influencent le rapport entre les dynamiques de la population humaine et le milieu naturel. Les changements technologiques qui ont le plus affecté l'environnement sont liés à l'utilisation de l'énergie. Comme le montre le graphique 1, la consommation de pétrole, de gaz naturel et de charbon a augmenté de manière spectaculaire au cours du 20ème siècle. Jusqu'en 1960 environ, la majeure partie de cette pollution provenait des pays développés. Toutefois, depuis lors, l'industrialisation des nouveaux pays en développement a provoqué une plus grande dépendance vis à vis des processus de production hautement polluants.
Des actions au niveau politique peuvent améliorer cette situation de détérioration de l'environnement, comme par exemple, en établissant des normes d'émissions. Mais elles peuvent aussi exacerber cette dégradation ; c'est le cas notamment du bassin de la mer d'Aral, en Asie centrale, qui a diminué de 40% depuis 1960. De plus, les eaux de ce bassin sont devenues extrêmement polluées, en grande partie à cause des politiques d'irrigation de l'ancienne Union soviétique.
Les facteurs culturels jouent enfin un rôle important dans la façon dont la population affecte l'environnement. En fonction des cultures, les attitudes envers la faune et la flore et leur préservation influencent les stratégies de protection de l'environnement. En effet, l'appui ou l'absence d'appui du public à certaines interventions politiques reflétera les valeurs de la société.
Deux domaines spécifiques illustrent le caractère complexe de l'influence des dynamiques démographiques sur l'environnement : les schémas d'occupation des sols et les changements climatiques de la planète.
Occupation des sols
Finalement, pour satisfaire les besoins en ressources d'une population croissante, des changements dans les schémas d'occupation des sols se sont imposés : accroissement de la production alimentaire par le biais de la déforestation, intensification de la production sur les terres déjà cultivées ou développement des infrastructures nécessaires pour supporter un tel accroissement de la population. Pendant les trois derniers siècles, la superficie mondiale des terres cultivées a augmenté de plus de 450%, passant ainsi de 2,62 millions de km2 à 15 millions de km2. Parallèlement, un processus de déforestation s'est enclenché. En effet, une diminution nette de 720 000 km2 (180 millions d'acres) de zones forestières a été observée sur une période de quinze ans (entre 1980 et 1995), même si ces zones varient énormément en fonction des régions : alors que les pays en développement ont connu une perte nette de 800 000 km2 (200 millions d'acres), les pays développées, quant à eux, ont vu leurs forêts suivre une augmentation nette de 80 000 mm2 (20 millions d'acres). (Voir graphique 2)
Ces types de changement dans le schéma d'occupation des sols ont plusieurs impacts écologiques. L'aménagement de nouvelles terres agricoles peut entraîner une érosion et les produits chimiques, souvent utilisés comme engrais, peuvent détériorer les sols. La déforestation va également de pair avec l'érosion et peut réduire la capacité des sols à retenir l'eau, augmentant ainsi la fréquence et la gravité des inondations.
Les changements provoqués par la présence de l'homme dans le schéma d'occupation des sols provoquent une fragmentation et une perte des habitats naturels, première cause directe de la disparition des espèces. En fait, si la déforestation garde son rythme actuel, dans les cinquante prochaines années, un quart des espèces de la planète auront disparu.
Les changements climatiques de la planète
Ces dernières années ont été parmi les plus chaudes jamais enregistrées. Des études récentes laissent entendre que ces dérèglements de températures sont dus à la concentration croissante de gaz à effet de serre, qui absorbent les radiations solaires et réchauffent l'atmosphère. Ces mêmes recherches suggèrent aussi que la plupart des changements atmosphériques sont liés à l'homme et aux dynamiques démographiques. Tout d'abord, la production industrielle et la consommation d'énergie sont responsables d'une grande partie des émissions de dioxyde de carbone provenant de l'utilisation des carburants fossiles. Ensuite, les changements dans les schémas d'occupation des sols, comme la déforestation, nuisent aux échanges de dioxyde de carbone entre la Terre et l'atmosphère. Pour finir, certains procédés agricoles, comme la culture de riz paddy et l'élevage du bétail, sont à l'origine de fortes émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, notamment du méthane. Selon une estimation, entre 1985 et 2100, la croissance démographique sera responsable de 35% de l'augmentation des émissions de CO2 au niveau mondial et de 48% dans les pays en voie de développement. Ainsi, pour pouvoir répondre au problème du réchauffement de la planète, il est nécessaire de se concentrer sur les problèmes démographiques et d'envisager le développement de techniques de production et de consommation durables.
Les implications politiques des influences démographiques sur l'environnement sont compliquées et peuvent parfois faire l'objet de controverses. Alors que certains jugent que la croissance démographique débridée des régions en développement est la principale responsable de la détérioration de l'environnement, d'autres insistent sur les conséquences catrastrophiques de la surconsommation dans les pays industrialisés, où la population n'augmente portant que lentement. Ces divergences d'opinions mènent naturellement à ce que des solutions radicalement différentes soient envisagées : doit-on encourager un ralentissement de la croissance démographique dans les pays en voie de développement ou bien inciter à un changement des schémas de consommation et de production destructives dans les pays développés ?
Pourtant, cette alternative ne traite qu'un seul aspect des problèmes complexes engendrés par les pressions démographiques sur l'environnement. Si la taille de la population et la consommation jouent tous deux un rôle dans les modifications de l'environnement, il existe aussi d'autres facteurs qui doivent être pris en compte dans les débats et les décisions politiques. Les décisions politiques pourront, par exemple, encourager la planification familiale et un développement rural plus efficace pour ralentir l'exode vers les centres urbains déjà surchargés, mais aussi inciter la population à adopter des niveaux de consommation durables et à utiliser des technologies plus efficaces et plus propres.
Les frontières disciplinaires entre les spécialistes des sciences humaines et les spécialistes des sciences naturelles ont longtemps entravé l'étude de la corrélation entre démographie et environnement. Toutefois, aujourd'hui, ces barrières commencent à tomber. Cet élan vers la recherche environnementale interdisciplinaire doit être encouragé et les chercheurs doivent continuer à améliorer leurs approches analytiques et à rassembler de nouvelles données qui pourraient permettre d'étudier les rapports existant entre processus sociaux et processus naturels. L'utilisation de technologies récentes (comme la télédétection par satellite) pour étudier les changements environnementaux permettra de développer considérablement nos connaissances dans ce domaine.
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